American gods

Ombre a été condamné à 6 ans de prison pour coups et blessures. Il a purgé 3 ans et, grâce à sa conduite exemplaire, il doit être libéré dans quelques jours. Sa femme l’attend, son ancien emploi dans la salle de sport tenue par son meilleur ami aussi. C’est pour lui la possibilité d’avoir une seconde chance et de pouvoir reprendre une vie normale après cette sombre parenthèse.

Sauf qu’il apprend brutalement 2 jours avant la date prévue pour sa libération qu’il peut partir immédiatement… afin d’assister à l’enterrement de sa femme. L’épouse et le meilleur ami d’Ombre viennent en effet de trouver tous deux la mort dans un accident de voiture. Le conducteur n’a pu éviter de percuter un camion, distrait par la fellation que lui prodiguait la femme d’Ombre.

Ayant perdu ses espoirs de reprendre une vie normale et ses illusions, ce dernier prend néanmoins l’avion pour rentrer chez lui. Au cours du voyage, il rencontre un homme mystérieux qui se fait appeler M. Voyageur et qui  lui propose avec insistance d’accomplir pour son compte un travail tout aussi mystérieux. Ombre comprendra vite que son interlocuteur ne semble pas considérer « non » comme une réponse.

Je ne veux pas en dire plus pour ne rien dévoiler de l’intrigue. J’ajouterai simplement que le thème sur lequel repose American gods est que les dieux sont créés par l’imagination des hommes, qu’ils existent tant que les hommes croient en eux et les révèrent, et meurent lorsque tout le monde les a oubliés. C’est un thème qui a déjà été traité à plusieurs reprises. Pour ma part, je l’avais croisé dans Nicolas Eymerich, inquisiteur, premier roman de la série des Nicolas Eymerich par Valerio Evangelisti (celui-là était plaisant et bien ficelé, mais j’en ai lu un ou deux autres qui m’ont assez catastrophée). Cependant j’ai beaucoup aimé la façon dont Neil Gaiman (qui est britannique, et non américain) l’a abordé.

Ces dieux américains sont arrivés sur le nouveau continent à diverses époques, amenés par des voyageurs ou des immigrants qui les vénéraient. Une fois sur place, ils ont été lentement oubliés, et sont aujourd’hui supplantés par leurs ennemis, les éphémères dieux de la civilisation moderne (média, transports…). Ces anciens dieux affaiblis vivotent donc en exerçant des emplois modestes et ne paient pas de mine.

En fait, American gods est une sorte de voyage dans l’Amérique profonde (comment appelle-t-on l’équivalent d’un road movie en version livresque?), une alternance de plongée dans la vie quotidienne des américains modestes et de visite de hauts lieux touristiques dans laquelle le surnaturel fait de courtes apparitions brutales. L’ensemble est tellement déjanté qu’on pourrait se demander avec Ombre si on n’est pas en train de rêver, l’incroyable semblant tellement naturel à tous les personnages.

L’histoire part dans tous les sens, mais sans jamais sombrer dans le n’importe quoi. C’est foisonnant, pas brouillon. Le livre est tellement riche que chacun peut y trouver ce qu’il veut, je pense. Il peut inspirer des réflexions graves sur l’homme, la société, la spiritualité. Et il est en même temps bourré de traits d’humour : j’ai beaucoup aimé la reconversion des dieux Thot et Anubis en croque-morts.

Evidemment, comme le titre l’indique et comme je l’ai laissé entendre, il y est question de dieux. Je conseillerais donc vivement de garder une bonne mythologie à portée de main pendant la lecture. Pour ma part, j’arrivais à peu près à m’y retrouver dans les dieux égyptiens, mais j’ai du aller piocher à plusieurs reprises dans mon dictionnaire de mythologie nordique et me débrouiller avec Wikipedia pour le reste.

Il ne se passe pas forcément grand-chose dans le roman, Ombre étant réduit par M. Voyageur et ses amis à un rôle de second couteau pendant l’essentiel de l’histoire, mais l’intrigue n’en est pas moins captivante pour autant. J’ai trouvé l’ensemble plutôt bien ficelé et j’ai bien aimé la fin. C’est sans aucun doute un des meilleurs livres que j’ai lus cette année.

Ce roman qui a reçu de nombreux prix mérite-t-il pour autant d’être qualifié de chef d’œuvre ? Je ne sais pas. Et je ne suis pas sûre d’être en mesure d’en juger car certains commentaires que j’ai lus à son sujet m’ont fait penser qu’il perdait à la traduction et regretter de ne pas l’avoir lu en anglais.

Néanmoins c’était une lecture très plaisante, d’autant plus compte tenu des circonstances particulièrement agréables dans lesquelles je l’ai dévoré : je l’ai commencé en forêt non loin d’une cascade et l’ai terminé sur une plage, lors d’une escapade à la mer faite sur un coup de tête. Bah oui, je vais à la plage pour lire… De toute façon, vu que la plage était recouverte de méduses et que les vagues étaient ourlées d’une dentelle de sympathiques bulles marrons qui m’auraient fait douter que j’étais au bord de la Manche et non dans le Golfe du Mexique, lire était l’activité qui semblait la plus appropriée.

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5 commentaires pour American gods

  1. lunefantasy dit :

    voilà un livre qui suscite un intérêt profond dans mon petit cerveau écrasé par la chaleur actuelle….

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