Disparitions

Kasumi et Ishiyama sont amants. Pour pouvoir passer plus que quelques heures volées de temps à autre avec elle, Ishiyama achète une maison de campagne dans l’île d’Hokkaido, dont est originaire Kasumi. Il propose que leurs deux familles y partent pour les vacances. C’est chose facile : Ishiyama est, depuis des années, le meilleur client de la petite entreprise de graphisme du mari de Kasumi, et l’ami de celui-ci.

Mais les vacances tournent au drame lorsque, un matin, la fille aînée de Kasumi, âgée de 5 ans, disparaît. L’enquête piétine, faute d’indices : l’enfant n’est restée seule que quelques minutes, la résidence où se trouve la maison est très isolée, en haut d’une montagne à laquelle mène une seule route, qu’aucune voiture n’a empruntée.

A la détresse et au chagrin qu’éprouvent Kasumi s’ajoute un profond sentiment de culpabilité : elle rend responsable de la disparition de sa fille le fait que, la nuit précédente, elle avait pensé entre les bras d’Ishyami qu’elle pourrait abandonner ses enfants pour lui. Et cette disparition trouve un écho dans le vécu de Kasumi, qui a fui la maison de ses parents quand elle avait 18 ans, et ne leur a jamais donné de nouvelles depuis. Son obstination à vouloir retrouver sa fille va peu à peu l’isoler.

Natsuo Kirino s’est taillé, par son talent, une solide notoriété en tant qu’auteur de romans policiers et a remporté de nombreux prix, dont le prix Naoki, en 1999, pour ce roman, Disparitions. Mais ça, je ne l’ai appris qu’après avoir terminé ma lecture, et j’en ai été bien étonnée, car je n’aurais pas songé à considérer ce gros livre (plus de 500 pages) comme un roman policier.  Je l’aurais plutôt décrit comme un roman psychologique.

En effet, s’il y a bien une enquête menée pour retrouver la petite Yuka, et si l’auteur égrène au fil du roman plusieurs hypothèses quant à ce qui a pu lui arriver, j’ai eu l’impression que c’est beaucoup moins ce qui s’est réellement passé qui intéresse Natsuo Kirino que l’impact que la disparition de la petite fille a eu sur les personnes impliquées dans cet événement tragique.

Les amateurs de thrillers qui attendent un suspense haletant et des rebondissements trépidants en seront pour leurs frais avec Disparitions, car il ne s’y passe pas grand chose. Ce qui ne veut pas dire que le livre ne se dévore pas, bien loin de là.

Natsuo Kirino examine les faits tout à tour du point de vue des différents acteurs. Elle s’attarde sur leur passé pour donner à comprendre comment ils se sont construits, revient au présent pour faire progresser l’histoire, puis change de perspective, et ainsi de suite.

Bien qu’il comporte des moments plus légers pendant lesquels le lecteur peut souffler un peu, c’est un récit sombre, avec une atmosphère pesante. Parmi les principaux thèmes abordés, il y a la culpabilité, pour les raisons que j’ai indiquées plus haut, mais aussi la solitude. Il s’agit ici de la solitude de Kasumi, celle dans laquelle la disparition de sa fille l’enfonce, mais aussi celle née du fait que Kasumi refusait de parler de son passé et de se livrer à autrui. Et puis il y a la solitude d’un autre personnage, aussi profonde que celle de Kasumi. Cette fraternité de sentiments va les rapprocher. Enfin, le roman pose la question du droit qu’a chacun à déterminer sa vie : est-ce égoïste de vouloir choisir sa vie, de chercher à être heureux, est-il légitime de sacrifier ses proches si le bonheur est à ce prix?

Les portraits psychologiques sont complexes et très fouillés. De ce fait, les personnages sont souvent ambivalents. Si bien que, même si je me suis sentie très touchée par l’histoire, j’ai parfois eu du mal à prendre parti. J’ai admiré la force de Kasumi, j’ai été attendrie par ses faiblesses et tout cela me l’a rendue sympathique. Et pourtant je n’ai pas pu m’empêcher de juger que certains de ses choix étaient des erreurs et de vouloir l’en blâmer. Ce qui fait que, au final, je ne sais plus trop quoi penser d’elle…

Les toutes dernières pages m’ont laissée la gorge nouée et avec un profond sentiment de malaise.

Je ne sais pas si ça ressort très clairement de ce compte-rendu un peu confus, mais j’ai adoré ce livre riche et complexe et je compte bien me jeter sur les quelques autres romans de Natsuo Kirino qui ont été traduits en français.

Disparitions
Natsuo Kirino
Editions du Rocher
ou, en poche,
10/18
Collection Domaine étranger

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7 commentaires pour Disparitions

  1. Anouchka dit :

    Ca me donne très envie de le lire, merci pour cette critique.
    Je viens de découvrir ton blog et je le trouve super ! Continue comme ça !

  2. Marie dit :

    Merci beaucoup de tes encouragements et bonnes vacances!

  3. Estellecalim dit :

    J’ai moi aussi découvert ton blog en flânant sur Hellocoton, et pour ce premier billet que je lis, tu m’as convaincu.
    Je vais de ce pas ajouter ce titre à ma liste de souhait. :)

  4. Estellecalim dit :

    Enfin je vais plutôt chercher du côté des bouquinistes, parce qu’apparemment, il n’est plus dispo en poche :S

  5. Marie dit :

    Je crois que tu as raison… Le tirage a l’air épuisé.
    Malheureusement ma PAL est tellement énorme qu’il s’écoule un temps considérable entre le moment où j’achète un livre et le moment où je le lis. Désolée!

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