La vie devant soi

Paris, Belleville, au début des années 70s. Madame Rosa, juive polonaise qui a survécu à Auschwitz, ancienne prostituée, s’est reconvertie, l’âge venant, en garde d’enfants. Moyennant finances, elle prend en pension chez elle les enfants des prostituées qui ne peuvent garder leur progéniture avec elles. Parmi ces gamins de toutes les couleurs qui vont et viennent, il y a le narrateur, Momo, un jeune arabe de 10 ans qui assiste, impuissant, au déclin des facultés de la vieille dame.

A force d’entendre régulièrement parler de ce roman et de cet auteur, j’ai fini par avoir envie de savoir de quoi il retournait. Mais, justement en raison de cette célébrité, j’ai voulu aborder le livre sans idées préconçues. J’ai donc soigneusement fui tous les articles et critiques sur Romain Gary et ses oeuvres et n’ai même pas lu le quatrième de couverture, si bien que je ne savais absolument pas à quoi m’attendre en ouvrant le livre.

 La première page m’a fait un choc. Je me suis demandé ce que c’était que cet ovni et combien de pages allait durer cette narration dans ce français malmené. Je n’imaginais pas pouvoir tenir 300 pages comme ça. Mais, j’ai éprouvé un choc encore plus grand, 3 ou 4 pages plus tard, quand je me suis rendue compte que j’avais le sourire aux lèvres en lisant.

En résumé, La vie devant soi est un livre qui parle d’amour, d’entraide, de générosité et de tolérance. Ce sont des sujets que je trouve risqués, car il est très facile de s’engluer dans la fadeur et les bons sentiments. Romain Gary s’en sort de façon magistrale, justement parce qu’il aborde ces sujets à travers les yeux de Momo. Le jeune narrateur écorche la langue française, étale à chaque page sa vision tant naïve que lucide du monde qui l’entoure, mais ça permet à l’auteur de traiter avec humour et légèreté des sujets sombres et graves. Et les jeux de mots qui émaillent le récit de Momo, au-delà de leur drôlerie, m’ont interpellée du fait de leur pertinence et de leur justesse.

J’ai adoré ce roman drôle et émouvant et, chose extraordinaire pour moi, j’ai quasiment failli y aller de ma petite larme en terminant le livre. Il me tarde désormais de découvrir le reste de l’oeuvre de Romain Gary.

Un petit aperçu :

Lorsque les mandats cessaient d’arriver pour l’un d’entre nous, Madame Rosa ne jetait pas le coupable dehors. C’était le cas du petit Banania, son père était inconnu et on ne pouvait rien lui reprocher ; sa mère envoyait un peu d’argent tous les six mois et encore. Madame Rosa engueulait Banania mais celui-ci s’en foutait parce qu’il n’avait que trois ans et des sourires. Je pense que Madame Rosa aurait peut-être donné Banania à l’Assistance mais pas son sourire et comme on ne pouvait pas l’un sans l’autre, elle était obligée de les garder tous les deux. C’est moi qui étais chargé de conduire Banania dans les foyers africains de la rue Bisson pour qu’il voie du noir, Madame Rosa y tenait beaucoup.
– Il faut qu’il voie du noir, sans ça, plus tard, il ne va pas s’associer.

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11 commentaires pour La vie devant soi

  1. martial dit :

    Bonsoir!

    Le deuxième Romain Gary que j’ai lu… J’adore.. Et tu en parles très bien!
    J’essaye aussi de découvrir son oeuvre!
    Comment tu fais poiur ne pas lire la quatrième de couverture, c’est plus fort que moi…
    Euh.. je vais une Lecture commune de « Clair de femme » le 5 juin! ça te dit??
    A bientot

    • Marie dit :

      D’ordinaire j’ai aussi du mal à ne pas lire le quatrième de couverture, là c’était exceptionnel.
      J’ai jeté un oeil à Clair de femme. Le livre n’est pas bien épais et le sujet m’inspire. Je suis donc partante pour ta LC!

  2. Delphinesbooks dit :

    Oh oui, il faut découvrir l’oeuvre diverse et variée de Gary (mon auteur favori) !
    Quel plaisir de lire ton billet…. j’aimerais découvrir encore ce livre.

  3. D. dit :

    J’ai découvert ce livre de la même façon que toi : en n’ayant aucune idée de son contenu, et tout comme toi il m’a bluffé. C’est vraiment un livre émouvant qui m’a donné aussi envie de lire plus de Gary, d’autant plus qu’en fac de lettres pas mal de profs n’ont eu de cesse de faire son éloge.
    Très bon article ;)

  4. flou dit :

    ah oui il faut tout lire de Gary! (c’est toujours déconcertant et formidable à la fois!)

  5. Martial dit :

    Bonjour,

    Sympa! je t’inscris pour la lecture commune de « Clair de femme », c’est prévu pour le 5 juin!

    De Gary, j’ai lu aussi « Chien Blanc », je te le conseil aussi :-)
    Et très bonne idée de découvrir Chuck Palahniuk :-)

    Bonne journée

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